Huit ans de travaux
A peine le château du Haut-Koenigsbourg est-il acquis par
Guillaume
II que les travaux commencent. L'empereur souhaite
reconstruire intégralement la
forteresse telle
qu'elle se dressait au 15
e siècle et confie les travaux
à l'architecte-historien
Bodo
Ebhardt.
Dès 1900, de gros travaux de déblaiement précèdent les travaux de
restauration, une grande campagne de
relevés
photographiques est effectuée.
Elle se poursuivra tout au long des travaux.
La première pierre pour la restauration du
château du
Haut-Koenigsbourg est posée en 1901. Le
donjon est le premier élément restauré. Sa
reconstruction symbolise le pouvoir de son nouveau
propriétaire et, de façon très pratique, permet de dégager les
pierres du sol.
Dès lors, les premières
critiques acerbes pleuvent.
En 1906, l'aigle impérial est installé au sommet du donjon. Il
était prévu que le
chantier soit terminé à cette
date mais des problèmes de failles dans les murs ont
considérablement ralenti les travaux. Un complément financier se
révèle également nécessaire.
Deux ans plus tard, le
13 mai 1908, en présence
de
Guillaume II, et de nombreux officiels, le
château est inauguré par un grand défilé historique.
On rejoue la prise de possession du château par les Sickingen en
1533, date à laquelle le château est dans un état assez proche de
celui retrouvé par
Bodo Ebhardt.
Cinq cent figurants en costume d'époque défilent
solennellement... sous la pluie !
Un chantier moderne
La rapidité d'exécution de ce chantier est largement due à la
modernité des techniques employées en ce début de
20
e siècle.
Dès 1901, une
station de pompage est construite
en contrebas du château. Actionnée par un moteur à essence elle
fournit l'eau courante aux machines et aux hommes. Elle a été
utilisée jusqu'en 2013.
Une
carrière est ouverte à une centaine de mètre
du chantier, à l'Oedenburg.
Une
locomotive à vapeur, nommée "Hilda" par
l'équipe des serruriers qui l'entretient, est mise en service en
janvier 1902.
Elle achemine les pierres de la carrière du château. Trente
chevaux ont été nécessaires pour tracter ses 5 tonnes de la gare de
Sélestat jusqu'au
château fort du
Haut-Koenigsbourg.
Une broyeuse à grès, actionnée par un moteur à
vapeur, est utilisée pour produire le sable nécessaire au bon
déroulement du chantier.
Deux grues mécaniques sont présentes dès
1901.
L'une d'entre elles circule sur des rails surplombant le
haut-jardin, l'autre est installée à l'intérieur du donjon. Elles
sont électrifiées en 1902 par le biais d'une
machine à vapeur transportable appelée "locomobile".
Grâce à cette technique, le chantier est aussi
éclairé, alors que les villages au pied du château
fort n'auront le courant qu'après la Première Guerre Mondiale.
De 30 à plus de 200 ouvriersLa plupart des ouvriers et des contremaîtres sont recrutés
dans les villages environnants, par petites annonces ou
par recommandation.
Quelques compagnons allemands complètent les effectifs, notamment
l'équipe des charpentiers. Les
acteurs locaux ont
donc tenu un rôle de premier plan dans la
restauration du
château.
Les ouvriers ont en charge le gros œuvre (déblaiement,
échafaudage, taille de pierre, etc.) et la fabrication des éléments
en bois (volets, galeries, charpentes, etc.). Le bois est fourni
par des scieries locales.
Les travaux spécialisés en plomberie, gouttières et éléments en
cuivre ainsi que l'artisanat d'art (fabrication des poêles en
céramique, réalisation des modèles en plâtre pour les sculpteurs,
etc.) sont confiés à des entreprises extérieures, en majorité
allemandes.
De
nombreux corps de métier sont représentés :
carriers, tailleurs de pierre, maçons, machinistes, serruriers,
charpentiers, forgerons mais aussi aubergiste et cantinière. Un
bistrot, une cantine et des dortoirs sont installés sur le site
pour les ouvriers, comme le raconte le fils du contremaître des
charpentiers :
"
Le rythme hebdomadaire de travail était de six fois dix
heures. Les ouvriers et employés avaient la possibilité de prendre
les repas à la cantine et de se coucher dans des
dortoirs.D'une manière générale, tous les ouvriers profitaient de ces
avantages et ne rentraient que le samedi, à pied bien entendu, car
il n'y avait pas d'autre moyen de locomotion. Le temps du trajet
aller-retour était de trois heures."
Citation extraite de
Chronique d'une famille alsacienne
par H. BRENNER, fils du contremaître
Henri
BRENNER, fin 20
e siècle.
Ces installations ne signifient cependant pas que les effectifs
sont les même tout au long de l'année : d'après les registres de
cotisations payées à Sélestat,
le nombre d'ouvriers passe,
au fil des saisons, de 30 à plus de 200 !
Les rémunérationsCharles
Dickely et la cantinière Rosalie Gassmann sont
rémunérés mensuellement. Suite à une grève
conduite en mai 1902, les carriers sont rétribués à la tâche
(c'est-à-dire au nombre de pierres taillées), tous les autres
ouvriers sont payés à l'heure, tous les quinze jours.
Ils
bénéficient en outre de
caisses de
retraite et
d'assurance maladie et
invalidité. A partir de 1904, des indemnités sont
également versées aux ouvriers accidentés et à leurs veuves. Ces
indemnités sont prélevées sur le droit d'entrée instauré cette même
année. En effet, durant toute la durée des travaux, le château
reste ouvert. Le droit d'entrée compense le temps que les ouvriers
passent à accueillir les visiteurs, de plus en plus nombreux.